Dans cet établissement prenant en charge des jeunes de 13 à 20 ans en difficultés familiales, sociales et scolaires, les élus (DP, CHSCT) et le médecin du travail sont alerté des difficultés éprouvées par des salariés dans leur travail et de leur sentiment d’être malmenés par leur hiérarchie. La médecine du travail et l’inspection font également part des nombreuses plaintes émanant de tous les niveaux hiérarchiques et de toutes les catégories professionnelles.
Le CHSCT recourt à une expertise, sur la base d’un risque grave encouru par les salariés. En effet, le contexte de tension découlant des réorganisations, du pilotage des établissements, de la rotation importante du personnel, des difficultés managériales et des agressions dont certains employés font l’objet, est propice au développement de risques psychosociaux et de maladies.
Le CHSCT attend de l’intervention qu’elle : - Recherche les facteurs de risques et analyse les plaintes, les agressions et leur impact. - Evalue l’impact du climat délétère sur la santé psychologique, physique et physiologique des salariés. - Identifie les contextes de travail et organisationnel favorisant la survenue de Troubles Psychosociaux. - Analyse de manière exhaustive les conditions de travail des salariés exposés. - L’aide à avancer des propositions de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail.
L’équipe de trois intervenants a réalisé une vingtaine d’entretiens individuels, suivis d’une dizaine d’entretiens collectifs avec les équipes éducatives (éducateurs, enseignants, formateurs), et le management (responsables, directeurs, chefs de service). Elle a aussi réalisé des observations de l’activité sur des moments clés (levers, pause déjeuner, vie scolaire). Par ailleurs la vingtaine d’entretiens exploratoires menés avec les équipes de direction, la RH, les élus, la médecine du travail, la Cramif et l’inspection du travail a permis une meilleure compréhension des enjeux des transformations et des problématiques abordées.
L’intervention a mis en évidence l’impact qu’avait le bouleversement du secteur social et de son mode d’organisation sur les pratiques métiers et les identités professionnelles. La succession des réorganisations a endommagé les modalités de réalisation du travail des professionnels à différents niveaux. Par ailleurs, la mise en place d’une organisation cloisonnée, autarcique, a endommagé les relations de travail et encouragé la concurrence inter-établissements se traduisant entre autre par moins de concertation et de cohésion entre directeurs d’établissement ainsi qu’une réduction des temps de partage et d’échanges entre établissements. La mise en place d’une organisation à flux tendu s’est traduit par un taux d’encadrement plus faible, un turn-over important, des sous-effectifs chroniques et récurrents ainsi qu’un recours plus fréquent à l’intérim altérant les collectifs de travail et les règles métiers. Les salariés souffrent du décalage constaté entre les exigences d’un métier qui nécessite un engagement fort et la carence des moyens alloués pour la réalisation de leur mission. Incapables de produire un travail de qualité, en rupture avec une ligne managériale insécurisée et insécurisante, une part des salariés, à tous les niveaux de l’organisation, ne trouve plus ni satisfaction ni reconnaissance dans le travail. Enfin, les différentes strates de la régulation (collectifs, marges de manœuvre, ..) ayant été épuisées, les salariés finissent par engager leur santé. A l’issue de l’intervention la fondation a procédé à un changement de la direction du site. Elle a également, conformément aux préconisations du rapport, mené des actions sur l’organisation du travail. Par ailleurs, par l’intermédiaire de groupes de travail participatifs et pluridisciplinaires, des réflexions ont été entamées visant, notamment, à la prise en compte du travail réel.